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Il restera toujours à la femme la faiblesse physique, et bien qu'on nous objecte qu'il y a des femmes beaucoup plus fortes que certains hommes, je répondrai que ce n'est là que l'exception, et que, dans l'état normal, l'homme a reçu en partage la vigueur, et la femme, la délicatesse. En 1791, la célèbre Olympe de Gouges disait dans sa _Déclaration des droits de la femme:_ «La femme a le droit de monter à l'échafaud; elle doit avoir également celui de monter à la tribune.» Qu'eût répondu Mme de Gouges si on lui eût opposé ceci: La femme a le droit d'être atteinte par les obus; elle doit avoir également celui d'être? soumise à la conscription? Olympe de Gouges aurait répondu que la constitution physique de la femme et les lois de la maternité la dispensaient naturellement du service militaire. C'est absolument ce que nous pensons au sujet de la généralité des fonctions publiques; et si l'on ajoute à cette cause matérielle la cause morale que nous a révélée l'histoire, on aura répondu à cet autre argument qui appuyait la thèse de Mme de Gouges et que, de nos jours, on a répété après cette émancipatrice: «La femme concourt, ainsi que l'homme, à l'impôt public; elle a le droit, ainsi que lui, de demander compte à tout agent public de son administration.» Mais fut-il prouvé que la femme peut avoir le même genre de capacités intellectuelles que l'homme, fût-il encore prouvé par impossible, qu'elle a autant de force physique que lui, je trouve qu'il n'y aurait là aucun argument à faire valoir en faveur de son émancipation politique. Il ne s'agit pas de savoir si la femme peut agir comme l'homme; il s'agit de savoir si, en empiétant sur les attributions masculines, elle peut remplir les fonctions pour lesquelles elle a été créée, et que révèle jusqu'à son organisation physique. On objecte qu'une femme peut concilier ses droits politiques avec ses devoirs domestiques. Je crois que cette opinion ne peut être soutenue que par les hommes qui ne savent pas ce que c'est qu'un ménage ou par les femmes qui n'en ont pas. Mais pour qui comprend l'étendue des devoirs que comporte le rôle domestique de la femme, ce n'est pas trop dire que sa vie entière y doit être occupée, soit qu'elle vaque elle-même aux soins multiples du ménage, soit que, dans une situation plus élevée, elle joigne aux sollicitudes de l'épouse et de la mère l'active surveillance départie à la maîtresse de la maison. Toutes les femmes ne se marient pas, dira-t-on. Sans doute. Mais c'est la minorité, et parmi les vieilles filles, combien n'ont pas gardé le célibat pour remplir une mission filiale ou fraternelle qui suffît à absorber une vie! Cependant, il fut au moyen âge un temps où la femme jouit des droits politiques et civiques. Comme jeune fille, comme veuve, la dame de fief exerce sans tuteur dans le droit féodal toutes les attributions de la souveraineté: suzeraine, elle reçoit le serment de ses vassaux. Vassale, elle prête elle-même ce serment. Dans ses domaines, elle octroie des chartes, elle donne des lois, elle rend la justice. Selon le droit coutumier, la bourgeoise peut être choisie pour arbitre. Mais, répétons-le, ces privilèges n'étaient accordés qu'à la femme qui n'était pas en puissance de mari; et les plus nombreux étaient restreints à un petit nombre de femmes, qui, par leur haute situation sociale, disposaient de loisirs inconnus à la femme du peuple. Puis, si l'on excepte les très rares occasions où la châtelaine siégeait avec ses pairs, elle restait à son foyer pour rendre la justice, pour recevoir l'hommage de ses vassaux. Il n'en serait pas de même pour celles de nos contemporaines qui visent à remplir le mandat du député, du conseiller municipal, les fonctions du juge et les autres emplois publics réservés aux hommes. D'ailleurs le moyen âge lui-même ne maintint pas les privilèges qui donnaient à la femme des préoccupations étrangères à celles du foyer, et le droit romain lui retira ses droits politiques et civiques. Au XVIe et au XVIIe siècles, les doctrines émancipatrices de Marie de Romieu et de Mlle deGournay se perdent dans le vide. Toujours la France, avec ce bon sens qui, en dépit de bien de folies passagères, est au fond de son esprit national, toujours la France a repoussé l'émancipation. L'abaissement de l'homme au profit de la femme[480]. [Note 480: Camille Doucet, _l'Avocat de sa cause_, scène VI.] D'ailleurs, avant de nous émanciper, il est bien juste que, par ce temps de suffrage universel, on nous demande s'il nous plaît d'être jetées dans l'arène publique. Que l'on nous interroge, et toutes celles d'entre nous qui ont le sentiment de leurs devoirs seront unanimes à repousser la motion. Pour se détacher d'une immense majorité, il n'y aura que quelques femmes déclassées, quelques personnalités tapageuses, enfin, qu'on me passe le mot, quelques fruits secs de la famille. Pourquoi donc alors tant de zèle pour nous imposer des privilèges que nous repoussons? Pourquoi les socialistes d'aujourd'hui réclament-ils pour la femme les droits politiques que lui déniaient énergiquement les hommes de 93, ces révolutionnaires dont ils se proclament avec orgueil les fils et les héritiers? La raison en est simple: la question politique se double aujourd'hui de la question religieuse. Je ne sais si nos émancipateurs sont aussi persuadés qu'ils le disent de nos capacités politiques, mais il est une autre force qu'ils nous reconnaissent avec raison: c'est la foi qui assure notre influence religieuse. Ils savent que la femme est à son foyer la gardienne des vérités qu'enseigne l'Eglise. S'ils réclament l'affranchissement de la femme, c'est bien moins pour la délivrer de prétendues chaînes dont elle ne se plaint pas, que pour l'arracher elle-même à la garde des saintes croyances. Ils croient savoir aussi que la femme a généralement peu de goût pour les institutions républicaines[481]. [Note 481: Léon Richer. _la Femme libre_.] Ils espèrent qu'en faisant miroiter à ses yeux la perspective de l'émancipation, elle tombera en leur pouvoir. Et c'est si bien un intérêt de secte qui est ici en jeu, que le plus fidèle avocat de l'émancipation des femmes désire qu'elles ne jouissent pas immédiatement du droit de suffrage, très assuré qu'il est que «sur neuf millions de femmes majeures, quelques milliers à peine voteraient librement: le reste irait prendre le mot d'ordre au confessionnal[482].» Ce n'est que lorsque la libre pensée aura émancipé l'esprit des femmes, que leurs défenseurs les jugeront dignes du droit de suffrage. [Note 482: Léon Richer, _la Femme libre_.] C'est sans doute aussi pour le même motif que nos aptitudes aux fonctions d'avocat et de magistrat,--aptitudes parfaitement reconnues d'ailleurs,--pourront n'être employées que plus tard. Ce sera plus prudent... pour la libre pensée. En attendant, on réclame pour nous l'accès à toutes les autres fonctions... civiles, bien entendu, car, malgré l'habileté stratégique que nous reconnaissait au XVIe siècle Marie de Romieu, on s'obstine à ne point placer au nombre de nos droits celui de défendre notre pays par les armes: mais cela viendra. Et lorsque, cette fois encore, nous demandons comment nous pourrons accorder nos fonctions publiques avec nos devoirs domestiques, on nous répond que l'ouvrière quitte bien sa maison le matin pour n'y rentrer que le soir. Mais que produit cette absence de la femme? M. Jules Simon va nous le dire. §II _Le travail des femmes. Quels sont les emplois et les professions qu'elles peuvent exercer?_ «Autrefois, dit M. Jules Simon, l'ouvrier était une force intelligente, il n'est plus aujourd'hui qu'une intelligence qui dirige une force. La conséquence immédiate de cette transformation a été de remplacer presque partout les hommes par des femmes, en vertu de la loi de l'industrie, qui la pousse à produire beaucoup avec peu d'argent, et de la loi des salaires, qui les rabaisse incessamment au niveau des besoins pour le travailleur sans talent. On se rappelle les éloquentes invectives de M. Michelet: «L'ouvrière! mot impie, sordide, qu'aucune langue n'eut jamais, qu'aucun temps n'aurait compris avant cet âge de fer, et qui balancerait à lui seul tous nos prétendus progrès!» «Si on gémit sur l'introduction des femmes dans les manufactures, ce n'est pas que leur condition matérielle y soit très mauvaise. Il y a très peu d'ateliers délétères, et très peu de fonctions fatigantes dans les ateliers, au moins pour les femmes. Une soigneuse de carderie n'a d'autre tâche que de surveiller la marche de la carde et de rattacher de temps en temps un fil brisé. La salle où elle travaille, comparée à son domicile, est un séjour agréable, par la bonne aération, la propreté, la gaieté. Elle reçoit des salaires élevés, ou tout au moins très supérieurs à ceux que lui faisaient gagner autrefois la couture et la broderie. Où donc est le mal? C'est que la femme, devenue ouvrière, n'est plus une femme. Au lieu de cette vie cachée, abritée, pudique, entourée de chères affections, et qui est si nécessaire à son bonheur, et au nôtre même, par une conséquence indirecte, mais inévitable, elle vit sous la domination d'un contremaître, au milieu de compagnes d'une moralité douteuse, en contact perpétuel avec des hommes, séparée de son mari et de ses enfants. Dans un ménage d'ouvriers, le père, la mère sont absents, chacun de leur côté, quatorze heures par jour. Donc il n'y a plus de famille. La mère, qui ne peut plus allaiter son enfant, l'abandonne à une nourrice mal payée, souvent même à une gardeuse qui le nourrit de quelques soupes. De là une mortalité effrayante, des habitudes morbides parmi les enfants qui survivent, une dégénérescence croissante de la race, l'absence complète d'éducation morale. Les enfants de trois ou quatre ans errent au hasard dans les ruelles fétides, poursuivis par la faim et le froid. Quand, à sept heures du soir, le père, la mère et les enfants se retrouvent dans l'unique chambre qui leur sert d'asile, le père et la mère fatigués par le travail, et les enfants par le vagabondage, qu'y a-t-il de prêt pour les recevoir? 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