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de Maistre dit que la femme doit se borner à faire le bonheur de son mari et l'éducation de ses enfants; mais, comme le lui répond l'évêque d'Orléans, c'est justement pour cela qu'il faut des femmes fortes, et les exemples de l'Écriture sainte nous démontrent que les filles du peuple élu recevaient une culture intellectuelle qui en faisait d'admirables épouses et des mères vraiment éducatrices. Et si la jeune fille renonce au mariage soit pour se consacrera Dieu, soit pour se dévouer à sa famille, la valeur individuelle que le christianisme a donnée à la femme, exige le développement de toutes ses facultés morales et intellectuelles. L'Église l'a toujours compris, comme nous le rappelle par d'éclatants exemples Mgr Dupanloup. «La femme n'existe-t-elle donc point par elle-même? dit M. Legouvé. N'est-elle fille de Dieu que si elle est compagne de l'homme? N'a-t-elle pas une âme distincte de la nôtre, immortelle comme la nôtre, tenant comme la nôtre à l'infini par la perfectibilité? La responsabilité de ses fautes et le mérite de ses vertus ne lui appartiennent-ils pas? Au-dessus de ces titres d'épouses et de mères, titres transitoires, accidentels, que la mort brise, que l'absence suspend, qui appartiennent aux unes et qui n'appartiennent pas aux autres, il est pour les femmes un titre éternel et inaliénable qui domine et précède tout, c'est celui de créature humaine: eh bien! comme telle, elle a droit au développement le plus complet de son esprit et de son coeur. Loin de nous ces vaines objections tirées de nos lois d'un jour! C'est au nom de l'éternité que vous lui devez la lumière[492]!» [Note 492: Legouvé, _Histoire morale des femmes_.] Après avoir établi les droits qu'ont les femmes à la culture intellectuelle, Mgr Dupanloup déclare que ces droits sont aussi des devoirs et que ce n'est pas en vain que la femme a reçu de Dieu une âme immatérielle. «Et Dieu n'a pas plus fait les âmes de femmes que les âmes d'hommes pour être des terres stériles ou malsaines.» Quand la terre n'est pas cultivée, l'ivraie étouffe le bon grain. Alors, avec une sévérité vraiment épiscopale, le saint pontife rappelle que la parabole du talent multiplié regarde la femme aussi bien que l'homme, et qu'au jour du jugement Dieu lui demandera compte, à elle aussi, du dépôt que lui a fait la Providence. C'est précisément parce que le travail intellectuel est pour elle un devoir que la privation en devient une souffrance, un péril. Comme dans l'homme, Dieu a allumé dans sa compagne le feu d'une vie immortelle. «Si vous ne dirigez pas cette flamme en haut, elle dévorera sur la terre les aliments les plus grossiers... Qui ne sait que la sensibilité et l'imagination sont très développées, particulièrement chez les femmes? et c'est par le besoin profond de ces facultés, qu'elles ont l'instinct de faire de leur vie autre chose qu'un sacrifice perpétuel aux aveugles préjugés du monde. Et voilà précisément pourquoi on doit cultiver, éclairer, par la raison, par de sages conseils et gouverner par l'instruction solide ces facultés si vives. Il leur faut, comme elles disent parfois, déployer leurs ailes, et sous peine de souffrir, s'élever de temps en temps au-dessus des intérêts matériels de la vie: si vous voulez lutter violemment contre de tels élans, vous ne réussirez pas. Les diriger, voilà ce qu'il faut, et non les étouffer. La sensibilité et l'imagination sont deux flammes qui, une fois allumées, ne périssent pas. Elles semblent quelquefois céder en frémissant, mais ne vous y fiez pas: le feu caché est le plus dangereux de tous; elles reparaîtront bientôt, menaçantes, ennemies mortelles peut-être de la paix du coeur et des devoirs austères du foyer. Il fallait en faire, non des ennemies, mais des alliées.» Négliger l'intelligence de la femme, c'est établir une lacune dans le plan divin qui a assigné à la femme la place qu'elle doit occuper. Mais quelle est cette place à laquelle elle ne saurait manquer sans causer un grave désordre dans sa propre vie et dans la vie de l'humanité? L'évêque d'Orléans va nous le dire. C'est à la Genèse, c'est aux livres sapientiaux que le vénéré prélat demande ici le secret de Dieu. Mgr d'Orléans déroule dans sa rayonnante et sereine majesté le tableau de la création: l'homme souffrant d'être seul, même en conversant avec les anges, avec Dieu! le Seigneur lui donnant la compagne, semblable à lui, qui seule pouvait compléter son existence; et, pour cela, Dieu ne prenant plus, comme pour la création de l'homme, un vil limon, mais un ossement choisi tout près du coeur de l'homme; Dieu animant du même souffle divin que l'homme cette nouvelle créature; et, après l'avoir _édifiée_ comme le chef-d'oeuvre de sa puissance et de son amour, présentant à la tendresse et au respect de l'homme celle en qui Adam reconnaît avec transport _l'os de ses os_ et _la chair de sa chair_! «Formée par la délicate opération de Dieu, et d'une nature et d'un corps qui était déjà le temple de l'Esprit-Saint, elle devra à cette origine plus noble, comme une spiritualité plus grande, moins dé propension que l'homme aux satisfactions matérielles, et plus de facilité à s'élever vers l'idéal et vers l'infini... Elle est, dans les choses du coeur, plus élevée, elle est, si je puis dire ainsi, plus âme que l'homme.» Je voudrais pouvoir citer l'admirable portrait que notre grand évêque trace de la femme d'après la Genèse et les livres sapientiaux qu'il commente ici avec les inspirations les plus suaves et les plus vivantes de ce génie qui, en lui, ne se séparait point de la sainteté. Jamais plus complet hommage ne fut rendu à la femme; à la religieuse mission de la fille de Dieu, au dévouement de l'épouse, à l'incomparable sollicitude de la mère, à la souriante dignité de la reine du foyer. Jamais plume ne sut mieux dépeindre la femme dans sa douce et touchante beauté, dans sa grâce aérienne et chaste, dans la délicatesse de ses sentiments, et, au-dessus de tout, dans cette piété angélique et tendre qui la transporte si naturellement aux plus hauts sommets de l'amour divin, et illumine et épure dans son coeur les saintes affections d'ici-bas. Nul n'a compris avec plus d'émotion cette ardente charité, ce dévouement intrépide qui donnent à la femme, pour tous ceux qui souffrent, un coeur de mère ou de soeur. Nul n'a admiré avec plus de respect cette énergie morale qui, malgré la faiblesse physique de la femme, la rend souvent plus courageuse que l'homme, et qui, à l'heure des communes épreuves, lui donne, toute brisée qu'elle soit par la douleur, la force de se tenir debout auprès de l'homme pour la soutenir. Qu'il lui est facile de remplir une mission consolatrice, à elle qui sait si bien s'appuyer sur la foi, s'élever sur les ailes de l'espérance sainte, se nourrir du feu de la charité! Voilà pour le coeur. Quant à l'intelligence, l'évêque d'Orléans, le grand éducateur, surprend dans la femme des _coups d'oeil_, des _coups d'aile_, qui lui font rapidement atteindre des hauteurs où l'homme ne parvient qu'avec difficulté par le raisonnement. Et ce n'est pas seulement par une merveilleuse délicatesse d'intuition, c'est par l'élan, par l'enthousiasme que la femme arrive à la plus haute lumière intellectuelle. Telle est la femme, telle est la compagne de l'homme et la mère de ses enfants. Et c'est surtout parce qu'elle doit transmettre ses qualités à ses enfants que l'évêque ne veut pas que cette grandeur d'âme, cette délicatesse de coeur, cette intuition de l'intelligence demeurent stériles, et que la faiblesse organique de la femme subsiste seule en elle. Il faut que les facultés de la femme soient pleinement développées selon le plan divin, et ici le saint évêque s'élève avec force contre cette piété mal entendue qui, au lieu de se borner à détruire dans l'humanité ce qui est nuisible, voudrait aussi étouffer ce qui est utile. On ne supprime pas impunément les dons de Dieu, et les éducations comprimées produisent ces natures éteintes dont l'évêque a parlé plus haut avec une saisissante énergie et une douloureuse pitié. Plus que dans les grands hôtels, où trop souvent les distractions du monde s'opposent aux sérieuses études, c'est au troisième étage que l'évêque a rencontré la femme fidèle au plan divin. Il a vu là de jeunes filles, de jeunes femmes dont l'intelligence est «l'honneur, le trésor de la famille.» Il a vu là aussi des mères vraiment dignes de ce nom, des mères noblement jalouses de transmettre à leurs enfants la foi et l'honneur qui, au besoin, font mépriser et sacrifier les biens de la fortune; des mères qui président à l'éducation de leurs fils, font elles-mêmes l'éducation de leurs filles, et, après des journées laborieusement remplies, attendent le retour du chef de famille, qui, rentrant de ses occupations journalières, se reposera de ses travaux dans la douce causerie de sa femme, dans les jeux de ses enfants et la gaieté du foyer. Quand l'évêque demande que toutes les facultés de la femme soient développées, sans doute il a surtout en vue les femmes des classes aisées, mais il n'oublie pas les femmes des classes populaires: «Un peuple, bon, honnête, chrétien, dit-il, est comme la base granitique d'une nation; les classes populaires sont les premières et fortes assises sur lesquelles tout repose. De même que, dans les couches profondes du sol, circulent quelquefois de puissants fleuves, qui ne jaillissent pas toujours à la surface, mais promènent partout où ils passent la fécondité de la vie; de même dans les familles populaires chrétiennes Dieu a déposé, comme de grands courants, de merveilleux trésors d'humbles vertus, qui sont ce qu'un pays a de plus vital et de plus précieux. Tant que ces trésors se conservent, et que la corruption n'a pas pénétré là, quand même elle aurait déjà entamé les extrémités élevées, les classes riches, rien n'est désespéré pour un pays; tant que le sang du peuple est sain et pur, il peut, infusé dans les veines du corps social, régénérer encore une société. Mais si ces sources mêmes de la vie nationale étaient gâtées aussi et corrompues, ce serait dans un peuple la décadence irrémédiable, la décomposition certaine et prochaine.» S'élevant contre le terme de _classes privilégiées_ qui semble ne faire résider le bonheur que parmi les riches de la terre, Mgr d'Orléans nous rappelle que l'ouvrier ou le paysan chrétien qui peut, par le travail, lutter victorieusement contre la pauvreté, goûte dans sa famille les joies les plus pures et les plus vives. 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