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Les petites filles surtout, l'évêque le remarque, «ont la passion du sublime, parce que leur esprit est plus angélique que celui des petits garçons.» Qu'on alimente donc dans ces jeunes âmes cette passion généreuse. Qu'on leur apprenne les scènes les plus vivantes, les plus majestueuses de la Bible et de l'histoire de l'Église. Que ces enfants y sentent la puissance et l'amour de Dieu, et qu'on leur montre aussi à chercher cet amour et cette puissance dans les spectacles de la belle nature, la nature, ce livre de Dieu, ce livre où il nous fait lire son nom à chaque page. L'instruction religieuse et les notions très élémentaires des sciences physiques formeront la substance de ce petit enseignement primaire. C'est surtout à l'époque de la première communion que le sens du divin se liera plus facilement, dans l'âme de la jeune fille, à toutes ses études, à tous ses actes. Quelle lumière dans cette jeune âme qui possède Dieu! Mais, après ces jours bénis, vient une période que l'on a si bien nommée l'_âge ingrat_. Avec une délicatesse vraiment maternelle, l'évêque donne ici les moyens de combattre la personnalité inquiète et agitée qui se manifeste à cet âge et qui peut faire perdre les fruits divins de la première communion. Pendant cette période si difficile, c'est avec un redoublement de tendresse que la mère ou l'institutrice doit s'adresser à la jeune fille. Plus que jamais elle la fortifiera par le plus aimable langage de la raison, et la consolera par la douce influence de la piété. Plus que jamais aussi elle évitera que l'instruction soit mécanique. Que sa parole vivante, aimante et chaleureuse fasse sentir à l'élève la présence de Dieu dans chaque branche de l'enseignement! Que l'engourdissement sensitif, si menaçant alors, soit combattu par la pleine vie de l'âme! Et quand la jeune fille aura révolu sa quinzième année, que l'horizon se développe encore pour elle plus radieux et plus beau! Que l'histoire, les lettres, et, plus tard, la philosophie dans de certaines limites, montrent à l'adolescente comment Dieu gouverne les peuples et comment le Verbe inspire les intelligences. C'est alors que l'on doit étudier les goûts de la jeune personne et favoriser le penchant qui l'entraîne vers une étude particulière. Si aucune prédilection ne se manifeste à cet égard, si la jeune fille a sous ce rapport l'insensibilité de la pierre, alors, nous dit l'évêque, «qu'une maîtresse approche de ce bloc, avec feu elle-même, plusieurs spécialités, l'une après l'autre: en multipliant les essais, il s'en trouvera quelqu'une qui réussira.» Si l'étincelle a jailli, le feu sacré est allumé. Cette expérience peut même se faire plus tôt, mais seulement, ajoute l'évêque, après la première communion de la jeune fille, parce que, dès ce moment, «tout tient en elle à la racine du divin,» et que la raison illuminée par la foi donne à ses élans un sûr point d'appui. Dans le soin avec lequel Mgr d'Orléans cherche à connaître et à favoriser la vocation intellectuelle de la jeune fille, on reconnaît la méthode qu'il appliquait à l'éducation des hommes. Loin de comprimer les âmes sous une règle uniforme, il veillait à ce que chacune d'elles se développât dans le libre épanouissement de ses facultés natives. Divers sont les parfums des fleurs, et diverses les saveurs des fruits: tel est l'ordre providentiel. Pour Mgr d'Orléans, l'éducation est bien réellement la continuation de «l'oeuvre divine dans ce qu'elle a de plus noble et de plus élevé: la création des âmes[493].» [Note 493: Mgr Dupanloup, _De l'éducation_, t. I.] Aussi, combien l'évêque se sent attiré vers ces enfants gais, ouverts, impétueux même qui, d'ordinaire, sont la terreur des maîtres, mais dans lesquels l'éducateur de génie reconnaît, avec joie cette vie puissante qui, bien dirigée, donnera aux luttes du bien un combattant de plus! Parmi les petites filles aussi bien que parmi les petits garçons, Mgr Dupanloup nourrissait pour ces caractères-là une tendresse particulière. Par l'expérience qu'il avait pu faire sur lui-même, il savait ce qu'il y a de généreuses promesses dans ces riches natures, et quels fruits divins elles peuvent produire. Soucieux de conserver à la jeunesse la spontanéité de ses meilleurs instincts, l'évêque veut que l'on respecte jusqu'à ces belles illusions que l'expérience de la vie fera tomber d'elles-mêmes. «Vous ne pourrez jamais, malgré vos leçons et votre tendresse, épargner à votre enfant toutes les douleurs d'une espérance trompée, d'une illusion évanouie; eh bien! laissez-la donc jouir de cette joie pure de la jeunesse, s'enivrer de ce parfum d'espérance qu'exhale devant elle l'avenir; souriez, si vous le voulez, de ce sourire mélancolique qui est celui d'un âge où l'on sait plus et mieux, parce qu'on a vu et souffert davantage. Mais si ces illusions, cet enthousiasme, cette exaltation même ne portent que sur le bien et le beau; si à côté de l'imagination, le coeur s'est développé avec plus de force; si le jugement s'appuie sur la vérité; si l'esprit a reçu l'instruction convenable, et si l'âme travaille à devenir forte par la pratique de la vertu, ne craignez rien pour votre fille, et encore une fois, laissez-la jouir et respectez sa joie. C'est l'oiseau qui, fier de ses plumes nouvelles, bat des ailes comme pour s'élancer dans l'espace, mais qui bientôt, effrayé de sa faiblesse, se blottira dans son nid et s'y cachera sous l'aile maternelle.» C'est une époque admirable dans la vie que celle où la jeune fille, enfant de la Vierge immaculée, aime Dieu dans la céleste pureté de son âme, et où elle voit pleinement en Lui le principe de toutes les connaissances intellectuelles aussi bien que de toutes les vertus morales. Comme le dit l'évêque, elle jouit alors de _la béatitude des coeurs purs, qui est de voir Dieu_. C'est là le magnifique résultat de l'éducation qui s'appuie sur la raison éclairée par la foi; mais cette foi ne doit pas demeurer à l'état de principe, il faut qu'elle soit pratique. Déjà, en suivant la jeune fille dès le berceau, l'évêque avait dit quelles prières, quels exercices de piété conviennent à tel ou tel âge, et comment cette piété peut et doit aider aux études des enfants et combattre les défauts de ceux-ci. Mais l'illustre prélat consacre particulièrement les trois dernières de ses _Lettres sur l'éducation des filles_ à définir ce que doit être la piété dans une maison d'éducation. Ce qui manque surtout, même dans les bons pensionnats, ce sont les bases solides de la vraie instruction chrétienne, et par conséquent les bases solides de la vraie piété. La religion est l'objet d'un cours à peu près semblable aux autres, et qui, généralement, fatigue l'esprit de la jeune fille alors qu'il devrait saisir son intelligence et enflammer son coeur. Et quant à la piété, l'évêque d'Orléans s'est plus d'une fois élevé, avec les maîtres de la vie chrétienne, contre cette dévotion mal comprise où la lettre tue l'esprit. En s'adressant un jour aux femmes du monde, il leur disait: «Et parmi les femmes chrétiennes, laissez-moi, Mesdames, vous le dire, il y en a trop de celles que le monde nomme des dévotes, ce qui veut dire des personnes qui mettent leur piété plus dans l'extérieur que dans le fond de l'âme et de la vie, plus dans les formules que dans les oeuvres. Une telle dévotion n'est pas la vraie, elle manque de solidité; et loin d'être pour l'âme comme l'est la vraie et solide piété, un heureux développement, d'où résulte une admirable fécondité d'oeuvres et de vie, elle la rétrécit plutôt, ne la féconde en rien, n'empêche pas la vie d'être vide, et ne sauvera pas la femme qui s'annule ainsi, des sévérités de l'Évangile contre les serviteurs inutiles. Que dis-je? Avec une telle et si pauvre vie, la piété elle-même n'est pas en sûreté, et si de grandes chutes ne se rencontrent pas, c'est peut-être que l'occasion ne s'est pas présentée. La piété doit tout élever et tout ennoblir dans l'âme. Mais peut-elle être vraiment dans une vie où les pratiques extérieures seraient tout, et le travail de l'âme sur elle-même rien? Non, ni les formules de prières ne peuvent suppléer aux sentiments du coeur; ni les pratiques extérieures de dévotion, surtout les pratiques surérogatoires, aux actes obligés, aux oeuvres, aux devoirs[494].» [Note 494: Mgr Dupanloup, _Conférences aux femmes chrétiennes_, publiées par M. l'abbé Lagrange. 1881.] En effet, c'est une prière morte que celle que ne suit pas l'effort courageux qui corrige les défauts et qui dompte les passions. La vraie piété ne consiste pas à cueillir sans peine sur la route de la vie les fleurs que l'on offre à Dieu. La vraie piété ressemble à ces instruments de labour qui sarclent les mauvaises herbes ou qui déchirent la terre dont le sillon produira le bon grain. Alors la piété est encore, un travail, celui qui extirpe le mal et féconde le bien. Une solide instruction chrétienne permettra seule à la jeune fille d'acquérir l'énergie morale qui n'est au fond que la piété agissante. Et lorsque la jeune fille, après avoir achevé ses études scolaires, croira avoir terminé son éducation, c'est alors que commence pour elle cette seconde éducation que l'on se fait à soi-même et qui dure toute la vie. C'est le moment des fructueuses lectures. L'évêque d'Orléans conseille aux femmes de donner à ces lectures une place dans le règlement de leur vie et de ne les faire que la plume à la main. Quel vaste programme d'études que celui-ci: les classiques du XVIIe siècle, ces immortels modèles de raison, de bon goût et d'éducation morale; les plus belles productions de la poésie chrétienne: les idiomes étrangers à l'aide desquels les femmes pourront lire les plus purs chefs-d'oeuvre des diverses littératures; le latin, la langue de l'Église; les meilleures pages de la philosophie antique, cette «préface de l'Évangile», a dit M. de Maistre; la religion étudiée dans les oeuvres dé ses éloquents génies et dans les vies de ses saints; l'histoire, et surtout l'histoire de France. «Soeurs, épouses et mères de Français, il ne faut pas qu'elles se condamnent à ignorer les grandes choses que Dieu a faites dans le monde par la France, et ce qu'il peut faire encore[495].» [Note 495: Mgr Dupanloup, _la Femme studieuse_.] Les sciences n'occuperont qu'une place bien secondaire dans ce programme. 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