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Ce n'est que dans leurs applications aux usages de la vie qu'elles entrent utilement dans l'éducation des femmes. L'histoire naturelle, l'agriculture, sont spécialement recommandées par l'évêque, et nous en savons le motif. Il souhaite aussi que les femmes ne restent pas étrangères aux questions de droit qui les concernent. Il leur en conseille l'étude dans la même mesure que Fénelon. Comme Fénelon, comme Mme de Maintenon, l'évêque d'Orléans a voulu former des mères. Comme eux aussi, il s'applique à ces deux résultats fondamentaux: éclairer la piété, fortifier le jugement, ces deux résultats qui, nous le redisions après lui, peuvent se ramener à un seul: la raison éclairée par la foi. Cependant, plus que Fénelon et que Mme de Maintenon, l'évêque d'Orléans tient compte des facultés de coeur et d'imagination qu'il faut employer chez la femme, mais en les gouvernant. Avec M. Legouvé, il donne à ces facultés la nourriture substantielle qui les empêchera de dévorer les aliments malsains. Les lettres dans ce qu'elles ont de plus pur et de plus fortifiant, répondront aux aspirations des femmes vers le beau, vers l'infini. Cette éducation, qui se poursuit toute la vie à l'ombre du foyer, est admirablement appropriée aux facultés individuelles de la femme, à sa mission domestique et sociale. Elle se rattache non seulement à la méthode du XVIIe siècle, mais à ces vieilles traditions éducatrices dont nous avons trouvé les linéaments chez les peuples anciens: les Indiens, les Romains, certaines races grecques; telles que les Éoliens et les Achéens. Mais c'est chez les Hébreux que nous avons vu le type de cette éducation avec ses trois grands caractères: domestique, national, religieux. Il était naturel que chez le peuple de Dieu l'éducation de la femme répondit au plan divin. Le christianisme fait revivre ce grand type d'éducation et le présente à nos ancêtres gallo-romains et germains. Les Franks l'accueillent avec d'autant plus de faveur que les incultes Germains, qui vénéraient dans leurs compagnes le souffle divin, donnaient à celles-ci la culture intellectuelle qu'ils se refusaient à eux-mêmes. Les filles des Franks gardent encore cette suprématie à laquelle les préparent de pieux monastères qui nourrissent leur esprit en abritant leur pureté. Ces traditions se perpétuent au moyen âge. Sans doute, la généralité des femmes n'est pas appelée alors à recevoir un développement supérieur des facultés de l'esprit; mais une instruction modeste et solide est donnée à toutes. Pendant la Renaissance, la femme ne se maintient pas assez dans le domaine intellectuel qui lui est propre. L'érudition et ses excès compromettent quelque peu la cause de l'instruction des femmes. Toutefois, la belle Cordière et Jean Bouchet rappellent les vrais principes de l'éducation féminine: remplir le vide que l'ignorance creuse dans l'existence des femmes; préparer dans la jeune fille la compagne de l'homme, la mère éducatrice. Ce sont ces principes qui président à la solide éducation que, du XVIe au XVIIIe siècle, des familles, fidèles aux anciennes traditions, continuent de donner à leurs filles. Ce sont ces principes qui ont guidé Fénelon, Mme de Maintenon, à une époque où le désoeuvrement de la vie mondaine et les railleries de Molière contre les femmes savantes avaient substitué, pour les jeunes filles, les périls de l'ignorance aux écueils de la pédanterie. Après la tourmente révolutionnaire, les traditions éducatrices se retrouvent. Lorsque Napoléon Ier fonde la maison d'éducation de la Légion d'honneur, il demande à Mme Campan, à qui il en confie la direction: «Que manque-t-il aux jeunes personnes pour être bien élevées en France?»--«Des mères», répond Mme Campan.--«Le mot est juste. Eh bien, madame, que les Français vous aient l'obligation d'avoir élevé des mères pour leurs enfants.» C'est ainsi que Mme Campan fit régner à Écouen les principes que Mme de Maintenon avait appliqués à Saint-Cyr. A l'éducation traditionnelle que l'évêque d'Orléans avait élevée à la hauteur des besoins actuels, et qui est adaptée aux facultés natives de la femme, on a voulu substituer aujourd'hui une autre éducation: l'éducation masculine des filles. Ce système n'est pas nouveau. Sparte l'a expérimenté, et, par la ruine de ses moeurs, elle a appris que ce n'est pas impunément que l'on change l'ordre des lois naturelles. Si la création des lycées de filles par la loi du 21 décembre 1880, suscita des plaisanteries, elle éveilla également de sérieuses alarmes. On savait que, parmi ceux qui avaient voté cette loi, beaucoup poursuivaient le même but que les hommes qui réclamaient pour la femme l'émancipation politique: arracher la femme à l'Eglise. On se disait aussi qu'une éducation masculine et sans base religieuse produirait au lieu de femmes fortes, des hommes manques; au lieu de chrétiennes simplement fidèles à leurs devoirs, des libres penseuses très portées à devenir de libres faiseuses. Les premiers promoteurs de la loi s'effrayèrent eux-mêmes des suites que pouvait avoir une éducation qui, ne tenant aucun compte ni des facultés natives de la femme ni de ses aspirations religieuses, écraserait son esprit en étouffant son âme. Les programmes adoptés par le conseil supérieur de l'Instruction publique et qui ont été l'objet d'un arrêté ministériel du 28 juillet 1882, témoignent que la commission chargée de les élaborer s'est préoccupée de ces critiques. D'une part, les programmes définitifs ont été allégés des matières qui en surchargeaient le projet primitif. Les travaux à l'aiguille, qui avaient été écartés de ce projet, figurent dans les programmes qui comprennent aussi un cours d'économie domestique. D'autre part, si la religion révélée n'occupe pas dans ces programmes la place qui lui est due, la vie future et Dieu n'en ont pas du moins été exclus; c'est quelque chose à la triste époque où nous vivons; disons-le à ce sujet comme nous le disions à propos de Rousseau. Il faut savoir gré aussi à la commission d'avoir fait figurer dans le choix des auteurs à expliquer et à commenter, Bossuet, Fénelon, Bourdaloue, Massillon. Quant à Pascal, on aurait pu se contenter de prendre au grand moraliste un choix de ses _Pensées_, sans demander à l'ardent janséniste quatre de ses _Provinciales_. Ce choix est particulièrement malheureux aujourd'hui. Mais n'y eût-il d'autre motif d'exclusion que de prémunir les femmes contre ces discussions théologiques dont les éloignaient prudemment Fénelon et Mme de Maintenon, il eût été de bon goût de ne pas faire lire les _Provinciales_ à de jeunes filles de seize ans. Ces mêmes programmes prouvent combien il est difficile de séparer de l'éducation la foi révélée. Je vois inscrits dans ces programmes ces mots: _Respect de la personne dans ses croyances, liberté des cultes_. Comment conciliera-t-on ce respect des croyances en enseignant les matières suivantes dut programme d'histoire: les Hébreux. _Leur religion_.--Histoire romaine. _Le christianisme_. _Les catacombes_.--_Le christianisme en Gaule_.--_L'Église et les ordres monastiques au xie siècle_.--_La papauté; son influence; lutte avec l'Empire_.--_La Réforme, ses origines. Différentes formes du protestantisme_.--_Réorganisation du catholicisme. Le concile de Trente_, etc., etc. Comment parler des Hébreux et de l'établissement du christianisme sans tenir compte de la révélation? Si l'on ne traite de la religion des Hébreux qu'au même titre que du paganisme grec ou romain, qui ne voit ce que cette neutralité même a de périlleux pour la foi de la jeune fille et de blessant pour sa conscience? J'en dirai autant de ce qui se rattache à l'histoire de l'Eglise. On peut objecter à cela que nul n'est obligé d'envoyer sa fille au lycée, et que les familles croyantes, à quelque culte qu'elles appartiennent, se garderont bien d'y conduire leurs enfants. Sans doute, il en sera ainsi pour les familles qui ont une foi vigoureuse. Mais chez d'autres qui, tout en gardant certaines habitudes de piété, sont moins fermes dans leurs principes, il pourra arriver que l'appât d'une bourse leur fera confier leurs filles aux lycées. Ne prévoit-on pas alors ce qu'un enseignement neutre pourra apporter de trouble à cette jeune fille de douze ans, qui, si elle est catholique, par exemple, sera dans toute la fervente piété de sa première communion? Et aura-t-elle toujours la force morale nécessaire pour garder sa foi, si elle entend parler du christianisme comme d'une doctrine purement humaine? Que sera devenu alors le respect des croyances? Et si, ce que j'appelle de tous mes voeux, la religion est présentée avec son divin caractère, que sera devenu le principe de neutralité? Bon gré mal gré, on aura rendu à l'éducation la seule base qu'elle puisse avoir: la foi. Mais est-il nécessaire de tant insister sur les écueils qu'offrent les lycées de filles? Ces lycées ont bien de la peine à s'établir. Ils seront toujours impopulaires parmi nous. Leur nom seul suffirait pour les couvrir de ce ridicule auquel rien ne survit en France. Et ce nom fût-il même changé, notre esprit national, si antipathique à l'émancipation politique des femmes, repousserait encore pour le même motif l'éducation publique des filles. Parmi les libres penseurs, plus d'un jugeant comme Rousseau qu'il ne faut pas faire de la femme un homme, pas même un honnête homme, plus d'un eût volontiers répété avant la loi de 1880, l'exclamation moqueuse du philosophe: «Elles n'ont point de collèges! Grand malheur[496]!» Et même devant les modifications du programme, il se dira encore que la femme ne doit pas être préparée par l'éducation publique à la vie modeste qu'elle doit mener à son foyer. Il laissera donc à d'autres pères le bénéfice de la loi,--Peût-il votée. [Note 496: Voir plus haut, page 58.] D'ailleurs les études de l'enseignement secondaire ne diffèrent guère de celles de l'enseignement primaire supérieur, telles qu'elles existent dans nombre d'institutions et de cours, telles aussi que les consacrait, il y a quelques années, le programme de la ville de Paris pour l'obtention du brevet de premier ordre. 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