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Ce n'est pas celui-là qu'on aurait pu opposer au programme des lycées, lorsqu'on a dit que ce qui distingue l'enseignement secondaire «de l'enseignement primaire supérieur, c'est la culture littéraire, si propre à élargir et à assouplir l'esprit[497].» [Note 497: _Rapport_ de M. Marion, au nom de la commission chargée d'examiner le projet d'organisation de l'enseignement secondaire des filles.] En effet, l'ancien programme de la ville de Paris pour le brevet supérieur accordait à l'élément littéraire une place prédominante qu'il n'a plus dans le nouveau programme. Celui-ci a supprimé les auteurs grecs et latins qui, lus dans des traductions, figuraient dans celui-là à côté des classiques du XVIIe siècle, comme aujourd'hui dans les programmes de l'enseignement secondaire. C'était surtout à l'intelligence de l'aspirante que s'adressait l'examinateur. Il lui demandait quelles avaient été ses lectures littéraires et lui en faisait rendre compte. Ainsi se développaient dans un délicat épanouissement les facultés propres à la femme: Mgr Dupanloup eût reconnu là son excellente méthode. Dans le nouveau programme de renseignement secondaire, le rapporteur dit très justement qu'il faut «permettre à chaque élève de chercher sa voie, de choisir selon ses aptitudes et ses besoins.» Cette méthode, nous l'avons vu, existait déjà. Au lieu de créer des lycées de filles, n'aurait-il pas suffi de reprendre et de généraliser dans toute la France l'ancien programme de la ville de Paris, en y introduisant certaines études qui ont été adoptées avec raison pour l'enseignement secondaire [498]? Malheureusement le nouveau programme de la Ville, très chargé de détails techniques, n'a admis dans ces derniers temps que l'addition que voici: «A partir de la session du mois de juillet 1882, les épreuves écrites comprendront une composition sur l'instruction morale et civique.» [Note 498: L'esthétique, par exemple, et aussi les notions de droit dans leurs rapports avec la condition de la femme. Nous savons que l'évêque d'Orléans recommandait ces études. La seconde était déjà demandée par Fénelon, comme nous le remarquions, page 37, en regrettant qu'elle manquât jusqu'à présent à nos programmes actuels. Les programmes de l'enseignement secondaire n'avaient pas encore paru au moment où nous exprimions ce regret.] Le brevet supérieur de la ville de Paris n'étant demandé, en dehors des fonctions d'inspectrices, qu'aux personnes qui veulent diriger des institutions de premier ordre; la morale civique envahit ainsi jusqu'au domaine de l'enseignement libre. Mais quelque déplorable que soit ce fait, l'institutrice libre peut, du moins, donner et faire donner l'enseignement religieux aux jeunes filles qui lui sont confiées. Les parents sont libres d'ailleurs d'envoyer leurs enfants dans les institutions qui leur conviennent le mieux. Il n'en est pas ainsi toutefois pour les familles populaires qui habitent les localités où l'école communale subsiste seule. La loi a chassé Dieu de cette école, et cependant le paysan, l'ouvrier sont contraints d'y envoyer leurs enfants, eux qui n'ont pas la ressource de les faire élever ailleurs. C'est ici le caractère le plus effrayant de l'instruction laïque et obligatoire. Naguère, la Convention avait aussi décrété, en d'autres termes, cette instruction laïque et obligatoire. Elle avait aussi remplacé la morale chrétienne par la morale civique: étrange morale que celle qui enseignait aux enfants de huit à dix ans les soins qu'il faut donner à l'enfant dès que la femme se sent mère[499]! Cet enseignement, tout au moins précoce pour les petites filles, était-il donné aux garçons? On sait que la Convention appliquait volontiers les mêmes méthodes d'enseignement aux deux sexes. C'est ainsi que les filles apprenaient l'arpentage. Je ne sais si les garçons apprenaient la couture. [Note 499: Albert Duruy, _l'Instruction publique et la Révolution_.] La Convention ne put guère que décréter l'enseignement laïque et obligatoire. Pour obliger les pères de famille à envoyer leurs enfants aux écoles primaires, il aurait fallu que ces écoles existassent, et la Révolution avait été plus habile à les détruire qu'à les reconstruire. Les maîtres manquaient d'ailleurs aussi bien que les écoles. Il n'y avait pas de fonds pour les payer, et le maître ou la maîtresse laïque, qui a la charge, d'une famille, ne peut avoir le désintéressement des instituteurs religieux. Aujourd'hui, la situation a changé. Les efforts de l'Église et ceux de l'État s'étaient unis pour propager l'instruction primaire, et cet enseignement avait reçu une puissante organisation. Maintenant l'État chasse de l'école l'Église, sa collaboratrice. Et tandis qu'il bannit de l'école la religion, les municipalités en expulsent jusqu'aux mères des enfants du peuple, les soeurs de la Charité. C'est à la famille, dit-on, qu'il appartient de donner à l'enfant l'instruction religieuse. Mais si elle ne la possède pas elle-même, ou si, l'ayant possédée, elle l'a perdue, faut-il aussi en priver l'enfant? Ah! même parmi les hommes qui se sont éloignés de l'Église, bien peu consentiront de plein gré à voir se dessécher, à l'ombre glaciale de l'école athée, cette fleur de piété qui, éclose aux chauds rayons de la parole de Dieu, venait embaumer leur foyer. Avec le poète, ils aimaient à dire: Ma fille! va prier!--Vois, la nuit est venue. C'est l'heure où les enfants parlent avec les anges. Tandis que nous courons à nos plaisirs étranges, Tous les petits enfants, les yeux levés au ciel, Mains jointes et pieds nus, à genoux sur la pierre, Disant à la même heure une même prière, Demandent pour nous grâce au Père universel! Ce n'est pas à moi, ma colombe, De prier pour tous les mortels, Pour les vivants dont la foi tombe, Pour tous ceux qu'enferme la tombe, Cette racine des autels! Ce n'est pas moi, dont l'âme est vaine, Pleine d'erreurs, vide de foi, Qui prierais pour la race humaine, Puisque ma voix suffit à peine, Seigneur, à vous prier pour moi! Non, si pour la terre méchante Quelqu'un peut prier aujourd'hui, C'est toi, dont la parole chante, C'est toi: ta prière innocente, Enfant, peut se charger d'autrui! Pour ceux que les vices consument, Les enfants veillent au saint lieu! Ce sont des fleurs qui le parfument, Ce sont des encensoirs qui fument, Ce sont des voix qui vont à Dieu! Laissons faire ces voix sublimes, Laissons les enfants à genoux. Pécheurs! nous avons tous nos crimes, Nous penchons tous sur les abîmes, L'enfance doit prier pour tous[500]! [Note 500: Victor Hugo, _les Feuilles d'automne_, la Prière pour tous.] Les limites de mon travail ne me permettent pas de répéter ici ce que je publiais au mois de mars 1871 pour défendre une cause sacrée: le maintien de l'élément religieux dans l'enseignement scolaire à tous ses degrés[501]. Je ne peux détacher de ce travail que ces quelques lignes qui concernent spécialement l'instruction de la femme. [Note 501: _Une Question vitale._] «La perspective du néant... suffira-t-elle pour fortifier l'homme qui se débat contre les difficultés morales et matérielles qu'amène le grand combat de la vie? Et quant à la femme, si vous ne lui apprenez pas que le cri de la conscience est l'appel d'un Dieu rémunérateur, quel appui donnerez-vous à sa vertu? «Une instruction solide, direz-vous, la prémunira contre toute défaillance.» Oui, une instruction qui repose sur des principes religieux, est un grand élément de moralisation, et c'est pourquoi j'appelle de tous mes voeux la régénération intellectuelle de la femme. Mais une instruction qui n'a point la foi pour base, ne risque-t-elle pas, au contraire, de donner à l'esprit cette fausse indépendance qui secoue jusqu'au joug du devoir? Je sais que, parmi les femmes aussi bien que parmi les hommes, il est des natures si heureusement douées que, bien qu'elles jugent la morale indépendante d'un Dieu, elles en pratiquent loyalement les plus sévères obligations. Mais ce sont là de ces faits isolés qui, d'ailleurs, prouveraient précisément combien sont ineffaçables les enseignements religieux dont ces âmes ont subi, à leur insu peut-être, la salutaire influence. Si donc nous exceptons ces natures d'élite, où la femme incrédule puisera-t-elle la force nécessaire pour remplir ses devoirs, lorsque, délaissée par son mari, le mal se présentera à elle sous la dangereuse et séduisante apparence d'une sympathie consolatrice? La femme tentée ne sera-t-elle pas exposée à se dire: «Si la loi qui prescrit la fidélité conjugale, a une origine purement humaine, qu'importe de la braver[502]!» Voilà ce que, sans le vouloir, vous aurez fait du foyer domestique!» [Note 502: Cette pensée n'est-elle pas au fond des romans à thèses sociales dont nous parlions plus haut?] Est-ce le foyer seul qui souffrira de l'éducation athée donnée à la femme? Consultons les ouvrages pénitentiaires, et nous verrons qu'en France la criminalité est moindre pour les femmes que pour les hommes[503]. Ce résultat n'est-il pas dû en grande partie à la pieuse éducation que reçoit la femme, et surtout au frein salutaire de la confession? Que l'éducation sans Dieu ait le temps de former une nouvelle génération de femmes, et les futures statistiques criminelles nous donneront les fruits de ce système. [Note 503: Vicomte d'Haussonville, _les Établissements pénitentiaires en France et aux colonies_; J. de Lamarque, _la Réhabilitation des libérés_.] Dans un roman malheureusement trop lu à notre époque et qui décrit les moeurs populaires dans ce qu'elles ont de plus repoussant, l'auteur a dit: «J'ai voulu peindre la déchéance fatale d'une famille ouvrière, dans le milieu empesté de nos faubourgs.»--«Au bout de l'ivrognerie et de la fainéantise», le romancier voit «le relâchement des liens de la famille,» les plus infâmes aspects de l'immoralité, «l'oubli progressif des sentiments honnêtes, puis pour dénouement, la honte et la mort.» Le romancier matérialiste ne se doute pas que ce hideux tableau est celui de la famille sans Dieu. Au milieu de son récit, après avoir montré une femme coupable qui a essayé de devenir une honnête épouse, mais qui, voyant son mari tomber dans la débauche, roule elle-même dans la fange, et ne peut faire de sa fille qu'un être immonde, l'auteur s'étonne de la courte durée d'un bonheur domestique dont il avait cru voir l'image. Pages: | Prev | | 1 | | 2 | | 3 | | 4 | | 5 | | 6 | | 7 | | 8 | | 9 | | 10 | | 11 | | 12 | | 13 | | 14 | | 15 | | 16 | | 17 | | 18 | | 19 | | 20 | | 21 | | 22 | | 23 | | 24 | | 25 | | 26 | | 27 | | 28 | | 29 | | 30 | | 31 | | 32 | | 33 | | 34 | | 35 | | 36 | | 37 | | 38 | | 39 | | 40 | | 41 | | 42 | | 43 | | 44 | | 45 | | 46 | | 47 | | 48 | | 49 | | 50 | | 51 | | 52 | | 53 | | 54 | | 55 | | 56 | | 57 | | 58 | | 59 | | 60 | | 61 | | 62 | | 63 | | 64 | | 65 | | 66 | | 67 | | 68 | | 69 | | 70 | | 71 | | 72 | | 73 | | 74 | | 75 | | 76 | | 77 | | Next | |
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