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Produced by Suzanne Shell, Renald Levesque and the Online Distributed Proofreading Team. This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) [Note du transcripteur: Les détails bibliographiques de l'édition utilisée pour la production de cet "e-Book" ont été reportés à la fin du document.] LA FEMME FRANÇAISE DANS LES TEMPS MODERNES PAR CLARISSE BADER 1883 PRÉFACE J'ai cherché dans mes précédentes études la place que la femme a occupée dans les sociétés qui ont laissé leur influence sur notre civilisation. Je termine aujourd'hui mon travail par un ouvrage qui a pour objet la condition de la femme française dans les temps modernes. Les quatre premiers chapitres de ce livre disent ce qu'a été la femme dans la vie domestique, intellectuelle, sociale et politique de notre pays, depuis le XVIe siècle jusqu'au XVIIIe inclusivement. En pénétrant dans les vieux foyers français je m'applique surtout à retrouver les principes sur lesquels repose la famille. Dans cette partie de mon oeuvre, j'interroge les personnes qui ont vécu dans ces trois siècles, je recueille leurs témoignages, ces témoignages que nous livrent particulièrement les mémoires domestiques, les correspondances privées, tous les documents intimes auxquels notre époque attache justement un si grand prix. Pour étudier la part qu'a eue la femme dans notre vie littéraire et artistique, je ne me suis arrêtée qu'aux modèles qui représentent vraiment une influence. Je m'y suis longuement attardée, comme le voyageur qui, après avoir rapidement traversé les plaines, s'arrête aux cimes des montagnes. Quant au rôle historique des femmes françaises, je n'y ai cherché que les éléments de ce problème très actuel: Dans notre pays, la femme est-elle apte à la vie politique? C'est dans le chapitre suivant, _la Femme française au XIXe siècle_, que j'ai essayé de résoudre ce problème. Dans ce chapitre, le dernier de l'ouvrage, j'ai successivement abordé les questions suivantes: _L'émancipation politique des femmes.--Le travail des femmes. Quelles sont les professions et les fonctions qu'elles peuvent exercer?--Quelle est la part de la femme dans les ouvres de l'intelligence, et dans quelle mesure la femme peut-elle s'adonner aux lettres et aux arts?--L'éducation des femmes dans ses rapports avec leur mission.--Conditions actuelles du mariage. Les droits civils de la femme peuvent-ils être améliorés?--Mondaines et demi-mondaines.--Le divorce. Où se retrouve le type de la femme française._ Ce chapitre, comme l'indique son sous-titre, rappelle avec _les leçons du présent, les exemples du passé_. Ces exemples, je les ai demandés aux précédentes pages du livre et aussi aux ouvrages que j'ai déjà écrits sur la condition de la femme dans les civilisations dont la France est l'héritière. Le dernier chapitre de mon travail est donc la conclusion, non seulement de ce livre même, mais de toutes mes études antérieures sur la femme. Comme j'ai eu particulièrement en vue _la condition_ de la femme, la partie biographique n'occupe dans cet ouvrage qu'une place secondaire, et seulement pour expliquer par un vivant commentaire ce qui se rapporte à cette _condition_. La biographie disparaît même complètement lorsque j'aborde le XIXe siècle. Je suis du, nombre de ceux qui croient qu'il est bien difficile de parler de ses contemporains avec une entière impartialité. Sans m'interdire quelques allusions aux femmes qui se sont distinguées à notre époque, j'ai tenu à n'écrire dans ces pages aucun nom du XIXe siècle. Ici les personnalités s'effacent, et les principes seuls apparaissent. Il y a vingt ans qu'au sortir de l'adolescence je commençais l'oeuvre que je termine aujourd'hui. Ce travail, objet de ma constante sollicitude, a été interrompu dans ces dernières années par des épreuves domestiques qui semblaient m'enlever jusqu'à l'espoir de le reprendre jamais. C'est avec une profonde tristesse que je croyais devoir abandonner une oeuvre qui n'avait été pour moi que la forme d'une humble mission moralisatrice, et dont les souvenirs se rattachaient aux radieuses années disparues pour toujours de mon horizon assombri. En m'attribuant une part du prix fondé par une généreuse amie de la France, la célèbre Mme Botta, l'Académie française m'a accordé un nouvel et puissant encouragement qui m'a rendue à mes chères occupations d'autrefois et qui m'a donné la force de faire plus d'un sacrifice à l'achèvement de mon oeuvre. J'aurais voulu que cette conclusion de mes travaux témoignât dignement de ma reconnaissance; mais pour la réalisation d'un tel voeu, il ne suffisait pas de l'effort qui, dans les luttes d'un incessant labeur, surmonte la peine et brave la fatigue. CLARISSE BADER. Décembre 1882. LA FEMME FRANÇAISE DANS LES TEMPS MODERNES CHAPITRE PREMIER L'ÉDUCATION DES FEMMES--LA JEUNE FILLE LA FIANCÉE (XVIe-XVIIIe SIÈCLES) Transformation que le XVIe siècle fait subir à l'existence de la femme.--Le courant de la vie mondaine et le courant de la vie domestique.--Les deux éducations.--Érudition des femmes de la Renaissance.--Opinion de Montaigne à ce sujet.--Les émancipatrices des femmes au XVIe siècle.--Les sages doctrines éducatrices et leur application.--L'instruction des femmes au XVIIe siècle.--Les femmes savantes d'après Mlle de Scudéry et Molière.--Suites funestes de la satire de Molière.--L'ignorance des femmes jugée par La Bruyère, Fénelon, Mme de Maintenon, etc.--L'éducation comprimée des jeunes filles.--Réformes éducatrices: le traité de Fénelon sur _l'Éducation des filles_; Mme de Maintenon à Saint-Cyr.--L'instruction professionnelle et l'instruction primaire du XVIe au XVIIIe siècles.--Caractère de l'ignorance des femmes du monde au XVIIIe siècle; leur éducation automatique.--Les théories éducatrices de Rousseau et de Mme Roland.--Les anciennes traditions.--Les résultats de l'éducation mondaine et ceux de l'éducation domestique.--La jeune fille dans la poésie et dans la vie réelle.--Les tendresses du foyer.--Mme de Rastignac--Le sévère principe romain de l'autorité paternelle.--Les jeunes ménagères dans une gentilhommière normande.--La fille pauvre Mlle de Launay.--Le droit d'aînesse.--Bourdaloue et les vocations forcées.--Condition civile et légale de la femme.--La communauté et le régime dotal.--Marche ascendante des dots.--Mariages d'ambition.--La chasse aux maris.--Les mariages enfantins.--Mariages d'argent.--Mésalliances.--Mariages secrets.--Les exigences du rang et leurs victimes; une fille du régent; Mlle de Condé.--Mariages d'amour; Mlle de Blois.--La corbeille.--Cérémonies et fêtes nuptiales.--Le mariage chrétien. Dans la famille patriarcale du moyen âge, c'est surtout la condition domestique de la femme qui nous apparaît. La châtelaine dans le manoir féodal, la bourgeoise dans la maison de la cité, la paysanne dans la chaumière, nous font généralement revoir ce type, vieux comme le monde: la femme gardienne du foyer. Au XVIe siècle un changement considérable se produit dans l'existence de la châtelaine. Cette vie, désormais plus sociale que domestique, devient d'autant plus brillante qu'elle concentre ses rayons dans le cercle enchanteur que trace François Ier, et que l'on nomme la cour de France. Avant ce roi, Anne de Bretagne avait bien appelé auprès d'elle les femmes et les jeunes filles de la noblesse, mais c'était pour les garder à l'ombre d'une austère tutelle et les former aux moeurs patriarcales du foyer[1]. Tel ne fut pas, on le sait, le but de François Ier en attirant les châtelaines à sa cour. «Une cour sans femmes, avait-il dit, est une année sans printemps et un printemps sans roses.» [Note 1: Brantôme, _Premier livre des Dames_. Anne de Bretagne.] Sans doute cette apparition des femmes à la cour de France leur donne, comme nous le verrons plus tard, une influence souvent heureuse sur les lettres, sur les arts, et fait éclore la fleur délicate et brillante de la causerie française. Mais les moeurs domestiques et l'état social du pays sont loin de gagner à ce changement. Sur un théâtre aussi corrompu que séduisant, les femmes perdent le goût du foyer; elle sacrifient au désir de plaire leurs devoirs de famille, et jusqu'à leur honneur. Elles renoncent enfin à ce patronage qu'elles exerçaient dans leurs terres. La femme de cour, environnée d'un cercle d'adulateurs, a remplacé la châtelaine, mère et protectrice de ses paysans. L'historien et l'économiste s'accordent pour constater que si la politique qui attira à la cour les familles dirigeantes, acheva la victoire de la royauté sur l'esprit féodal, cette même politique prépara malheureusement aussi la Révolution. Tandis que la noblesse se corrompt dans la domesticité de la cour, les paysans, privés des exemples moraux et de la protection matérielle que leur donnaient leurs seigneurs, se trouvent ainsi livrés aux sophistes du XVIIIe siècle, et ils sauront traduire par des actes d'une sauvage violence les doctrines antisociales et antireligieuses[2]. [Note 2: F. Le Play, _La Constitution essentielle de l'humanité_; H. Taine, _Les Origines de la France contemporaine. L'ancien régime._] A partir du XVIe siècle, deux courants vont s'établir dans les moeurs françaises. D'une part une élégante corruption envahira le monde de la cour; mais d'autre part les moeurs patriarcales se conserveront dans bien des familles nobles ou plébéiennes qui, soit dans les campagnes, soit encore dans les villes, n'auront pas subi la contagion immédiate du mal. A la cour même se retrouveront, aussi bien et plus encore parmi les femmes que parmi les hommes, de ces natures fortement trempées à qui le spectacle du mal donne plus de vigueur encore dans la pratique du bien. L'éducation de la femme se ressentira de cette double influence. 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